The Hunt For Meral Ö de Stijn Bouma (2024)
Né à Hoorn aux Pays-Bas en 1991, Stijn Bouma a réalisé plusieurs documentaires chocs dont « Alleen tegen de staat », un documentaire de 55 minutes sur le scandale des allocations familiales aux Pays-Bas, tourné en 2021.The Hunt for Meral O est son premier long métrage de fiction. Il s’inspire du même scandale.
Le film commence par une communication téléphonique entre Meral (la sublime actrice néerlandaise d’origine turque, Dilan Yurdakul) et un agent de la fonction publique. L’administration fiscale lui réclame 34 256 Euros, soit le remboursement intégral d’allocations familiales qu’elle aurait indûment perçues. Elle a introduit une réclamation dont son interlocuteur déclare ne pas trouver la trace dans ses fichiers. Or, Meral a reçu un mail qui confirme la réception de sa contestation. Il lui annonce qu’elle est hors délai pour porter plainte avant de raccrocher.
Mère célibataire, Meral travaille comme une forcenée pour subvenir aux besoins élémentaires de ses 2 filles. La saisie sur salaire à laquelle elle est confrontée est doublée d’une enquête extrêmement intrusive des services sociaux qui tentent par tous les moyens de prouver qu’elle ne déclare pas tous les revenus qu’elle perçoit.
De 2009 à 2021, l’administration fiscale néerlandaise a eu recours à des algorithmes pour traquer les fraudeurs potentiels parmi les bénéficiaires d’allocations familiales. La majorité des personnes ciblées étaient issues de l’immigration. Des milliers de familles ont été contraintes de rembourser des allocations perçues en toute légalité et ont sombré dans la pauvreté. En janvier 2021, le gouvernement néerlandais a été contraint de démissionner à cause de cette affaire. Le 25 mai 2022, il a reconnu que les algorithmes ont abouti à un profilage racial. A ce jour, les victimes n’ont pas encore été remboursées.
Stijn Bouma a éprouvé la nécessité de réaliser une fiction parce qu’il avait le sentiment que ce serait plus percutant que son documentaire. Il a eu raison : de la première à la dernière minute, on est en empathie avec Meral O. Dilan Yurdakul interprète avec beaucoup de grâce et de subtilité cette femme endurante et résiliente qui refuse de se laisser broyer par l’appareil administratif. Avec ce film, on vit de l’intérieur la situation des 120 000 personnes qui ont été réduites à la misère à cause d’un algorithme. Et comme toujours, ce sont des femmes qui élèvent seules leurs enfants, occupent des emplois précaires et ne perçoivent aucune pension alimentaire des pères démissionnaires qui paient le plus lourd tribut. C’est la terrible et cruelle réalité du monde actuel que Stijn Bouma dénonce avec une force et efficacité redoutable dans ce film qui ne peut laisser personne indifférent. Un très beau portrait d’une femme battante et déterminée qui nous a profondément touchées. A la fin du film, on se dit qu’on ne veut plus jamais ça mais on espère surtout qu’il y aura encore et encore des femmes comme Méral qui ne lâchent rien.
A.C.
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