Who do I belong de Meryam Joobeur (2024)
"Who do I belong”, réalisé par la cinéaste canado-tunisienne Meryam Joobeur, est la version longue du court métrage “Brotherhood" (2018) sélectionné et primé dans de nombreux festivals internationaux. Il a remporté le prix du Festival international du film de Toronto. La plupart des acteurs sont les mêmes dans ce long métrage.
Le film raconte l’histoire de Aïcha (majestueuse Salha Nasraoui) une mère tunisienne,, douée de visions prophétiques, vivant dans une ferme rurale avec son mari Brahim, berger, et leurs trois fils.
Leur vie est complètement bouleversée après le départ de leurs deux fils aînés, Mehdi et Amine, partis secrètement faire la guerre en Syrie. L’incompréhension laisse place à la douleur, immense.
Quelques mois plus tard, l’un des deux fils est de retour, accompagné d’une femme mystérieuse, nommée Reem. Elle est enceinte, intégralement voilée et complètement silencieuse. Seuls ses grands yeux verts scrutent la réalité qui l’entoure. Aicha, tente de protéger désespérément son fils qui risque la prison. Des événements étranges surviennent dans le village, en même temps qu’un malaise grandissant.
Entre réalité et rêves oniriques, la vérité nous apparaît petit à petit. Horrible. Violente. Glaçante.
Les silences sont chargés. L’image est pudique. La charge émotionnelle est intense.
Si ce film évoque l’amour inconditionnel et infaillible d’une mère et le déchirement d’une famille, il dénonce surtout les horreurs commises par les forces de Daesh et plus largement par la guerre ainsi que par la religion et la puissance de l’endoctrinement, dont les premières victimes d’atrocités sont les femmes.
Il montre le choix qui s’offre à elles: être l’épouse, soumise, invisibilisée et réduite au silence, enfermée dans son niqab (voile intégral), ou la femme dite «mécréante» (qui ne professe pas la religion considérée comme vraie) et le sort barbare qui lui est réservé.
En bref, un film qui nous interpelle sur le sort des femmes en Syrie, les premières victimes dans les conflits armés, les oubliées de la guerre. Menacées, torturées, violées, endeuillées. Elles subissent non seulement la perte des membres de leur famille mais aussi la perte de leur dignité, de leur liberté, du droit de s’exprimer. Celles qui survivent sont «mortes de l’intérieur», brisées par de lourds traumatismes physiques et psychologiques. Certaines trouvent pourtant le chemin de la résilience dans leur combat pour la liberté.
C.P.
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