Everybody Loves Touda de Nabil Ayouch  (2024)


Nabil Ayouch et Maryam Touzani sont un couple de scénaristes et réalisateurices franco-marocain.e.s. Le tandem co-écrit les scénarios et c’est tantôt l’un, tantôt l’autre qui réalise le film qui en découle. En 2022, Maryam Touzani avait réalisé Le bleu du caftan (prix de la critique internationale au Festival de Cannes). Cette fois, c’est son mari qui passe à la réalisation pour Everybody loves Touda.


Depuis toute petite, Touda (Isrin Erradi) veut devenir une Cheikha (interprète d’Aïta – chants traditionnels berbères qui parlent de résistance, d’amour et d’émancipation). Ces chants sont transmis depuis des générations.


Touda s’ennuie dans le bled et rêve d’un avenir meilleur pour elle et son fils muet. Pour gagner sa vie, elle se produit dans des bars où l’intérêt des hommes éméchés se porte plus sur ses courbes que sur sa voix. Elle joue les entraîneuses. Le chant est un prétexte pour faire boire et dépenser de l’argent. Les hommes se croient tout permis, traitant les chanteuses comme des prostituées.


La première scène est édifiante. On y voix Touda chanter lors d’une fête au milieu des forêts. Les hommes se permettent de la toucher en public, glissant des billets dans ses vêtements. La soirée se terminera par un viol commis en toute impunité.


Le film se veut féministe dans la mesure où il dénonce une société hautement patriarcale dans laquelle les femmes sont destinées à divertir les hommes.


Il fut une époque pas si lointaine où, en Europe, les actrices étaient considérées comme des filles faciles, des courtisanes se faisant entretenir par les hommes fortunés.


Pour jouer le rôle, Nisrin Erradi a suivi une formation de plus d’un an. Son charisme crève l’écran et on ne peut qu’éprouver de l’empathie pour son personnage volontaire, qui ne baisse jamais les bras. Elle est de tous les plans, souvent filmée de près.


Touda est une femme tenace mais elle supporte de moins en moins les humiliations répétées et finit par partir pour Casablanca où elle espère enfin réussir dans son art et devenir une Cheikhate reconnue.


Touda est libre et solaire. Elle s’insurge contre les pouvoirs établis, elle veut braver les interdits mais y arrivera-t-elle dans un monde machiste où quelle que soit sa condition sociale, la femme reste sous la domination masculine.


Un beau rôle de femme dans une société que l’on voudrait voir abolie.


V.M.