La jeune femme à l'aiguille de Magnus von Horn (2024)
Magnus von Horn est un réalisateur et scénariste suédois né en 1983. Il vit à présent à Varsovie. « La jeune femme à l’aiguille » est son troisième long métrage.
Le film se déroule à Copenhague en 1919. La misère ambiante est sublimée par des images en noir et blanc qui rendent toutes les scènes lumineuses.
Pourtant, la misère est omniprésente. Karoline (Victoria Carmen Sonne), une jeune ouvrière dont le mari a disparu à la guerre, lutte continuellement pour sa survie.
Elle croit échapper à sa condition quand elle tombe enceinte de son amant, le patron de l’usine où elle travaille. Elle est amoureuse et rêve d’avenir avec lui mais l’individu est pleutre et obéit à sa mère qui refuse une mésalliance.
Karoline perd son travail, son logement et commence une descente aux enfers. Impossible de garder cet enfant. C’est une « affaire de femmes » et c’est avec une aiguille à tricoter qu’elle va essayer de se défaire du fardeau. Ce sera en vain…
Les hommes séduisent, engrossent et puis disparaissent. Comment s’en sortir quand l’avortement clandestin a échoué ? L’adoption ?
C’est ce que promet Dagmar (Trine Dyrholm), une femme rencontrée dans les bains publics et flanquée d’une gamine éthérée tout juste sortie du « Village des damnés » (Wolf Rilla, 1995). Après l’accouchement, Karoline lui donnera son bébé et une somme d’argent. Celui-ci sera adopté par des gens riches en mal d’enfant.
Mais faut-il croire au Père Noël ? Dagmar a tous les attributs de la méchante sorcière dans l’inconscient collectif. Elle est vieille, elle est méchante et elle porte de longs cheveux gris. Il ne lui manque que le nez crochu, le chapeau pointu et la verrue sur le nez.
Les sorcières étaient des femmes comme les autres, souvent plus savantes mais surtout dérangeantes. On les a affublées de tous les maux et on les a torturées, noyées, brûlées.
La chasse aux sorcières est le plus grand féminicide avec pignon sur rue jamais réalisé. Des siècles plus tard, ce sont toujours les victimes qui sont montrées du doigt.
On voudrait nous faire croire que Dagmar est la méchante de l’histoire mais est-ce elle qui détruit la vie de tous ces petits êtres, nés dans la honte et la clandestinité ?
Les mères sont désemparées et prêtes à croire n’importe quoi. Les pères, aux abonnés absents, ont oublié femme et enfants depuis longtemps.
Défileront chez Dagmar, des gamines engrossées trop tôt par un membre ou pas de la famille, des femmes qui accouchent tous les ans et ne savent plus que faire de cette progéniture, des inconscientes qui ont cru au grand amour, des femmes violées,…
Elle leur redonnera espoir et leur permettra de continuer. Encore faut-il ne pas savoir ce que sont devenus ces enfants…
Le film « Les innocentes » (Anne Fontaine, 2015) abordait déjà ce sujet. Des nonnes violées ne savaient que faire des bébés et la mère supérieure s’en occupait.
Vous aurez compris que le lieu qui leur est réservé n’est pas une nursery rose bonbon avec des licornes en peluche.
Le film est triste et sombre, plus proche d’«Oliver Twist » que de « La mélodie du bonheur ». C’est aussi un film sur la sororité où les femmes s’entraident et ne peuvent compter que sur elles-mêmes. A une époque où le droit à l’avortement est remis en question, une réflexion sur le sujet prend toute son importance et s’ancre dans la réalité.
Plus jamais ça…
V.M.
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