On Falling de Laura Carreira (2024)


Née à Porto en 1994, Laura Carreira a étudié la communication audiovisuelle à l’Escola Artística António Arroio de Lisbonne, école secondaire spécialisée en arts appliqués. Elle a ensuite poursuivi ses études à l’Université d’Edimbourg où elle a obtenu un bachelier en réalisation cinéma. Ses deux courts métrages, « Red Hill » en 2018 et « The Shift » en 2020, ont été sélectionnés et primés dans différents festivals internationaux. « On falling » est son premier long métrage. Elle vit en Ecosse.


« On falling » dépeint le quotidien aliénant et déprimant d’Aurora, qui a quitté son Portugal natal au cœur de la crise financière dans l’espoir de trouver une vie meilleure en Ecosse. Elle ne voit jamais la lumière du jour. Dès l’aube, elle est déposée en voiture sur son lieu de travail par une autre portugaise avec qui elle partage les frais d’essence. Elle sillonne jour après jour les mêmes rayons, pour scanner des produits et les poser dans son caddie à un tempo soutenu contrôlé par un algorithme. Si sa cadence ralentit, un bip retentit. Après sa journée de travail, elle passe son temps à scroller assise sur son lit. Les seuls moments de contacts humains sont les repas. Mais les conversations sont réduites à quelques banalités. De quoi pourrait-elle parler ? Sa vie est un vide abyssal. Au point que, lors d’un entretien d’embauche, quand on lui demande quels sont ses passe-temps préférés, elle reste bouche bée avant de répondre « je fais la lessive » et d’éclater en sanglots.


Aurora est interprétée par Joana Santos, une actrice portugaise célèbre pour son rôle dans la série télévisée « Laços de sangue » (les liens du sang) qui a remporté un grand succès au Portugal en 2010-2011. Elle s’est isolée pendant deux mois dans un appartement en Ecosse pour ressentir la solitude dans ses tripes. Elle porte le film sur ses épaules. Elle réussit, avec beaucoup de finesse et de sensibilité, à transmettre les émotions d’Aurora au travers de son expression corporelle et de son regard, puisque peu de mots sont prononcés.


Laura Carreira s’est inspirée de ce qu’elle a ressenti lorsqu’elle a exercé son premier job en Ecosse : un sentiment de déshumanisation et de robotisation. Pourtant, ce n’était pas dans un entrepôt, mais dans le milieu hospitalier. Elle a interrogé de beaucoup de personnes qui préparent des commandes dans ces grands hangars froids. Il s’agit quasi exclusivement d’immigrés, de réfugiés ou de demandeurs d’asile. Ce dont ils souffrent le plus, c’est l’impossibilité de créer des liens sociaux. Leur travail est évalué en permanence par des outils numériques impitoyables et leurs temps de pauses sont courts et chronométrés, comme dans Les temps modernes de Chaplin. Ce que les entreprises comme Amazon présentent comme un énorme progrès pour les consommateurs confortablement installés dans leur fauteuil pour commander en ligne est en réalité un retour à l’esclavage.


On pense inévitablement au cinéma de Ken Loach, notamment à « Sorry We Missed You » (2019) ou l’excellent « I, Daniel Blake » (2016). C’est d’ailleurs la société créée par Ken Loach, Sixteen Films qui a produit « On Falling ». Souhaitant dévoiler le vécu intime d’une victime de l’esclavagisme moderne, Laura Carreira a choisi de nous faire partager le quotidien répétitif et déprimant d’une jeune femme d’origine portugaise qui vit et travaille à Edimbourg parce qu’elle tenait à être juste et donc proche de son vécu.


J’ai envie de crier plus jamais ça


AC