Animale de Emma Benestan  (2024)


Est-ce dans l’air du temps ou bien les femmes en ont-elles assez de jouer les gentilles filles ?
Julia Ducornau avait ouvert la route en 2021 avec Titane, bientôt suivie par Coralie Fergeat (The Substance) ou Noémie Merlant (Les femmes au balcon). Emma Benestan va également puiser dans le gore et le fantastique pour étayer son propos. Visiblement, les femmes veulent dénoncer et extérioriser toutes les violences qui leur sont faites. A leur tour de verser du sang et de faire mal.


Emma Benestan est une réalisatrice, scénariste et monteuse franco-algérienne. Elle est née en 1988 et vit à Montpellier. Elle avait déjà réalisé Fragile en 2021 et co-écrit Chien de la casse en 2023.


Son deuxième long-métrage peut être qualifié de western féministe et fantastique. Il se déroule en Camargue dans le monde des manadiers (éleveurs de troupeaux de taureaux).


Nejma (Oulaya Amamra) est la seule femme dans un monde virile et machiste. Mais elle tient sa place, iels sont tous potes et elle semble bien intégrée. Elle rêve de défier les taureaux dans l’arène et pour cela, elle s’entraîne dur et reçoit le soutien des mâles du coin.


Après sa première prestation, elle part faire la fête avec ses amis, iels boivent beaucoup et le lendemain, Nejma se réveille dans un triste état. Elle est blessée et ne se souvient plus de ce qui s’est passé.


Par la suite, plusieurs manadiers sont retrouvés morts, massacrés par un taureau. Nejma se sent de plus en plus mal et étrangère au monde masculin qui l’entoure. Elle découvre de drôles de manifestations physiques. Son corps change…


Le film est une métaphore pour parler du déni post-traumatique. Comment le corps réagit-il quand on refoule ce qu’on a subi ? Il peut somatiser ou se révolter.


Le taureau, symbole de la puissance par excellence, a toute son importance dans le film. Mais est-ce lui le monstre ? Le minotaure exigeait des jeunes gens pour satisfaire son appétit mais les taureaux sont martyrisés et mis à mort dans les corridas. Ils sont victimes de la masculinité toxique. Les toreros se mettent en danger inutilement, ils provoquent l’animal jusqu’au bout. Les hommes veulent tout dominer que ce soient les animaux ou les femmes.


Pour venger le viol qu’elle a subi, Nejma va devenir une sorte de taureau-garou, la nuit, contre son gré…


C’est un film de genre, les paysages sont superbes. La réalisatrice est originaire de la région et la met très bien en valeur. Oulaya Amamra (César du meilleur espoir féminin pour Divines en 2017) est très crédible en cow-girl, un peu moins en taureau…


V.M.