Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles de Lyne Charlebois (2023)
Lyne Charlebois est une réalisatrice canadienne. Elle a débuté sa carrière en 1982 comme photographe de plateau, mais c’est en tant que réalisatrice de clips vidéo qu’elle va se faire connaître. Parallèlement à sa carrière de réalisatrice pour la télévision et le cinéma elle a réalisé un nombre impressionnant de publicités. Elle a remporté de nombreux prix dans tous les domaines qu’elle a explorés et notamment pour son premier long métrage, “Borderline”, réalisé en 2008.
Dans “Dis-moi pourquoi ces choses sont si belles”, Lyne Charlebois raconte la rencontre entre Marcelle Gauvreau (Mylène MacKay), étudiante en lettres, et le frère Marie-Victorin (Alexandre Goyette) de vingt ans son aîné. Ils ont tous deux frôlé la mort et posent le même regard éveillé sur la nature et notamment la flore.
Les commentaires de Marie-Victorin sur son herbier vont révéler à Marcelle sa vraie vocation. Elle s’inscrit à l’institut botanique de l’Université de Montréal et devient son assistante. Débute entre eux un échange épistolaire savoureux qui parle de la sexualité et notamment du plaisir féminin avec une précision biologique et lexicale époustouflantes pour l’époque. Ensemble ils vont découvrir, bien avant d’autres scientifiques, l’importance du clitoris.
Oser évoquer la sexualité sans pudeur entre 1933 et 1944, c’était extrêmement avant-gardiste. Mais la pudibonderie ambiante rendait la publication de leur correspondance intime impossible. Il a fallu attendre 2018. Dans son film, Lyne Charlebois a transformé leurs lettres en dialogues. Elle a aussi voulu rendre hommage à leur amour et à la flore laurentienne. Son regard de photographe est comme un écho à celui de Marcelle: les images sont magnifiques.
Je terminerai par cet extrait d‘un entretien avec Frédéric Bouchard du 15 juin 2024 : Lui : « Finalement, Marcelle et Marie-Victorin étaient féministes malgré eux ». Elle : « Bien sûr ! Et quand le Frère Marie-Victorin est mort, Marcelle a été sacrément mise à l’écart. Elle est morte triste et frustrée par un système foncièrement patriarcal. Lui voulait la faire briller. Et Marcelle vivait dans une famille avant-gardiste ».
Encore une femme que l’Eglise et le patriarcat ont effacée.
Ce film est à classer dans “Plus jamais ça” parce que Marcelle Gauvreau est tombée dans l’oubli alors qu’elle fut la première québécoise à décrocher une maîtrise en sciences.
A.C.
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