La Chambre de Mariana d’Emmanuel Finkiel (2024)


Réalisateur de sept films et de quelques courts-métrages, plus deux documentaires, Emmanuel Finkiel avait reçu pour son premier film « Voyages », le César du Meilleur premier film en 1999.


Il s’attaque au sujet de l’occupation allemande lors de la Seconde Guerre Mondiale dans La « chambre de Mariana » avec Mélanie Thierry, laquelle avait déjà joué devant sa caméra dans « Je ne suis pas un salaud » et « Douleur ». Il refait donc appel à elle pour cette adaptation du roman du même nom d’Aharon Appelfeld publié en 2006 et plus ou moins inspiré de la vie de cet auteur spécialiste de la solitude du peuple juif.


Le réalisateur ne souhaitait, lui, plus aborder la Shoah dans son cinéma mais il a vu dans les personnages des êtres qu’il a rencontrés et aimés. Mariana, l’héroïne-prostituée du film qui est non-juive lui évoque sa nourrice. Le petit Hugo lui rappelle son propre père, orphelin au lendemain de la guerre après avoir été témoin de l’indicible. Caché dans le placard de la chambre de Mariana, amie d’enfance de sa maman, toute l’existence de cet enfant est suspendue aux bruits qui l’entourent et aux scènes qu’il devine à travers la cloison. Il est témoin des visites de soldats pour lesquelles les femmes les attendent en culotte.


Dire que les femmes n’étaient pas heureuses à cette époque est un violent euphémisme (bordels forcés avec hommes déchaînés comme des bêtes qui exhortent toute leur rage intérieure). Mais la prostitution n’a pas pour autant disparu depuis, et le film « La chambre de Mariana » permet de nous le rappeler.


D’après des sources officielles, en Ukraine, la prostitution est illégale mais répandue et largement ignorée par le gouvernement.
C’est le déclin économique du pays (aujourd’hui hélas en guerre) qui a rendu l’Ukraine vulnérable, et a contraint de nombreuses femmes à dépendre de la prostitution et de la traite des êtres humains comme source de revenus. Les deux ont en commun une certaine forme d’esclavagisme, une dépossession des corps qui sont exploités sans se soucier des conséquences physiques et morales.


Selon l'Institut ukrainien d'études sociales, voici bientôt quinze ans, 50 000 femmes travaillaient comme prostituées, et une sur six était mineure. Cette dure réalité est avant tout à classer dans les violences économiques faites aux femmes partout sur le globe, et ce dès leur plus jeune âge. Et l’argent reste le symbole ultime du pouvoir. Un pouvoir tout d’abord phallique.


L.L.