Kika d’Alexe Poukine (2025)
Il ne s’agit pas ici de Kika, la jolie cosmétologue haute en couleur de Pedro Almodovar, mais d’une jeune assistante sociale vivant sous le ciel gris de Bruxelles.
Alexe Poukine, une réalisatrice, photographe, scénariste et actrice française née en 1982 et basée en Belgique va lui donner les traits de Manon Clavel dans son premier long métrage, présenté à Cannes, dans le cadre de la « Semaine de la Critique » 2025.
Ses documentaires ont été primés dans de nombreux festivals. Après « Ce qui ne tue pas » (2019), elle a réalisé « Palma » (2020) dans lequel elle joue le personnage principal. Le film remportera également plusieurs prix.
« Kika » n’est pas un film de genre, il côtoie plusieurs genres. Tout d’abord, c’est un film social lorsque l’on suit Kika (Manon Clavel) dans son travail d’aide à la personne. Ensuite, cela ressemble à une comédie romantique lorsqu’elle tombe amoureuse du beau réparateur de vélos, David (Makita Samba). J’ai plus de mal à qualifier la 3ème partie lorsqu’elle devient maîtresse SM pour arriver à survivre. Bref, le film n’est pas banal, il passe du charme romantique à un aspect sombre et dérangeant de la société.
Comment en est-elle arrivée là ?
Kika file le parfait amour avec son nouveau compagnon et sa fille quand celui-ci meurt inopinément. Elle apprend qu’elle est enceinte et sa situation financière est très précaire. Son seul salaire ne lui permet plus de payer la location de l’appartement que la famille occupait.
Il faut beaucoup de temps pour obtenir un logement social, la liste d’attente est très longue. Elle se retrouve dans la situation de beaucoup de mamans solos où travailler seule ne permet pas de joindre les 2 bouts. Demander une aide sociale, ce serait passer de l’autre côté de la barrière. Elle se retrouve aussi vulnérable que les personnes qu’elle essayait autrefois d’aider.
Que faire pour ne pas s’éterniser chez sa mère et son compagnon qui régit tout ?
Un concours de circonstance va l’amener à devenir dominatrice, spécialisée dans les pratiques BDSM. Elle va rencontrer une « maitresse » en la matière, Rasha (Anael Snoek). Elle va l’accompagner et découvrir un monde insoupçonné (l’homme âgé qui veut se faire mettre des couches comme un bébé, celui qui aime qu’on lui défèque dans le visage, celui qu’il faut frapper et humilier,.. (j’arrêterai là l’énumération).
Kika essaie de contrôler la situation, elle refuse qu’on la touche et ne semble rien ressentir. On saisit à peine un rire étouffé ou un regard surpris durant les séances d’humiliation qu’elle administre.
Mais cela est-il possible ? Ne risque-t-on pas d’être englouti quand on franchit un tel cap ?
Est-il normal de devoir sombrer dans les « métiers » du sexe quand on a un travail ? Est-il normal que les métiers d’aide à la personne, souvent dévolus aux femmes, ne permettent pas de vivre décemment ?
Kika ne semble pas affectée par ce qu’elle fait. Elle côtoie une bande de joyeuses prostituées (cliché de la prostituée heureuse qui a choisi son destin librement…).
Le sordide semble un peu trop banalisé.
Et que dire de la fin du film quand elle peut enfin trouver un logement correct grâce à ce revenu supplémentaire ?
Je dis « Plus jamais ça ». Personne ne devrait se retrouver contraint.e aux échanges sexuels pour vivre. La prostitution et ses dérives ne sont pas des métiers. Celles et ceux qui les pratiquent sont des esclaves à la merci de celles et ceux qui ont de l’argent et peuvent tout exiger, aussi sordide et humiliant soit-il.
V.M.
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