Rabia  de Mareike Engelhardt (2024)


Mareike Engelhardt est une cinéaste allemande qui a une formation en danse contemporaine. Elle est arrivée au cinéma en filmant les danseurs. Elle a travaillé comme assistante à la mise en scène avec des cinéastes prestigieux/ses comme Katell Quillévéré et Patricia Mazuy. Le scénario de Rabia était son projet d’étude et c’est son premier long métrage. Il est inspiré de faits réels.


Jessica (Megan Northam) et Laïla (Natacha Krief) sont 2 jeunes filles mécontentes de leur vie en France. Sur internet, elles se consolent dans les bras virtuels de combattants de Daech. Comme beaucoup de jeunes vulnérables, elles cherchent un sens à leur existence. Daech se sert de leurs émotions, leurs envies et leurs désirs pour les mettre au service d’une idéologie meurtrière.


Leurs intentions sont claires, elles vont partir pour la Syrie pour une aventure à 2. Laïla s’est trouvé un fiancé et Jessica sera la deuxième épouse. Raqqa est la destination finale.


Dès leur arrivée, les deux amies sont séparées. Leïla part avec son mari et Rabia, alias Jessica, tombe sous l’emprise de « Madame » (Lubna Azabal). Dans un premier temps, Rabia se rebelle mais progressivement, elle va perdre tout espoir et finir par se rendre utile au djihad en devenant le bras droit de « Madame ».


Mareike Engelhardt décrit le quotidien d’une « madafa », une maison qui accueille les jeunes femmes du monde entier, destinées à épouser des soldats de Daech. « Madame » la dirige avec une poigne de fer.


Les 3 actrices sont remarquables bien qu’elles campent des personnages féminins bien différents. Toutes les 3 vivent le calvaire des femmes qui ont rejoint les rangs de Daech. Outre l’esclavage sexuel, on y retrouve la servitude volontaire, l’embrigadement, l’asservissement, la résilience et l’émancipation.


Rabia va passer de victime à bourreau et il est intéressant de voir le processus qui a été mis en place. Elle prend la place de bourreau pour sauver sa peau mais elle prend aussi un certain plaisir à exercer un pouvoir qu’elle n’a jamais eu auparavant. On ne connait pas le parcours de « Madame » mais on imagine aisément les traumatismes qu’elle a dû subir pour en arriver à mener ce combat et perpétuer la violence à l’égale des hommes.


Mareike Engelhardt pose un acte féministe en redonnant à toutes ces femmes l’intelligence qu’elles méritent. Que ce soit un engagement politique, religieux ou amoureux, ce sont elles qui ont décidé de leur sort.


Ce sont toujours les hommes qui sont les combattants et les femmes les victimes, un peu trop bêtes pour comprendre où elles mettent les pieds. Ce n’est pas leur faute, elles étaient amoureuses… une image de la femme faible, un peu naïve et simpliste qu’il est temps d’évacuer.


Même si ce ne sont pas vraiment des femmes inspirantes que vous verrez dans ce film, elles ont le mérite d’être des femmes fortes qui « s’arrangent » avec la vie.


La fin du film reste ouverte à l’instar de l’actualité. Est-ce qu’on fait revenir ces femmes ? Est-ce qu’on leur pardonne ? Est-ce qu’on les accueille à nouveau dans notre société ? Est-ce qu’on les laisse mourir là-bas ?


Le débat n’est pas terminé.


V.M.