Vermiglio (ou la mariée des montagnes) de Maura Delpero (2024)
Née en 1975 à Bolzano, Maura Delpero a étudié les lettres à l’Université de Bologne et à La Sorbonne avant de se rendre en Argentine pour suivre une formation en cinéma à Buenos Aires. Après plusieurs documentaires remarqués et primés dans de nombreux festivals, son premier long métrage « Maternal » remporte 4 prix au Festival de Locarno en 2019, entre autres récompenses. En 2024, elle réalise « Vermiglio », lauréat du Lion d'Argent au Festival de Venise et candidat italien à l'Oscar du Meilleur Film International.
Au début de l’hiver 1944, à Vermiglio, commune montagnarde du Trentino-Alto Adige, Lucia, Ada, Flavia et leur 5 frères sont les enfants du maître d’école. La vie quotidienne s’égrène pendant 4 saisons dont les contrastes sont superbement mis en lumière par la photographie de Mikhail Krichman. La guerre est hors champ, mais ses conséquences psychologiques et sociales sont palpables.
La maman est enceinte pour la dixième fois. Elle a déjà perdu un fils et le petit dernier, fragile, ne passera pas l’hiver. Ses 3 filles voudraient être maîtresses de leur destin mais, à l’époque, le rôle social d’une femme se résume en 2 mots : épouse et mère.
Lucia tombe amoureuse de Pietro, un déserteur sicilien, toléré au village parce qu’il a sauvé et ramené au pays un des leurs, certes traumatisé, mais vivant. Pietro demande la main de Lucia à Cesare qui accepte. Quelques mois après la noce, la petite communauté de Vermiglio découvre dans la presse que Pietro avait épousé une Sicilienne avant la guerre. Humiliée, Lucia pense d’abord au suicide avant de prendre son destin en main.
Ada s’inflige des punitions parce qu’elle a des pensées et des pratiques impures. Elle souhaite étudier mais son père estime qu’elle n’est pas assez douée. La seule voie pour éviter le mariage est d’entrer dans les ordres.
Quant à Flavia, elle est une brillante élève et son père décide que c’est elle qui fera des études sans se soucier de ses aspirations.
La maternité et la sororité étaient déjà au cœur de « Maternal »qui racontait la rencontre entre une jeune novice italienne et 2 filles-mères de 17 ans dans un foyer pour mères adolescentes de Buenos-Aires. Maura Delpero a réalisé « Vermiglio » pour rendre hommage à son père, un des six garçons de la fratrie. Mais ce sont les 3 sœurs qui sont au centre du récit et Lucia va également éprouver une forme de sororité avec une autre jeune mère sicilienne qu’elle croisera vers la fin du film.
Aucune de ces femmes n’a choisi sa vie. Cependant, si Adèle accepte sans broncher son destin de mère pondeuse et ne s’oppose que timidement aux décisions de son mari, ses filles vont malgré elle conquérir leur indépendance vis à vis des hommes : l’une en allant travailler en ville, la seconde en devenant nonne et la troisième en étudiant. C’est parce que leur destin est subi et non choisi que ce film est classé dans la rubrique « Plus jamais ça ».
A.C.
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