Good One d’India Donaldson (2024)


« Good One » est le premier long de la réalisatrice India Donaldson, cinéaste américaine.
Fille du réalisateur Roger Donaldson (auteur de quelques blockbusters de « La Mutante » au « Pic de Dante » dans les années 90 et le début des années 2000), elle a été initiée au cinéma dès son plus jeune âge.
Son premier film en tant que réalisatrice est le court métrage « Medusa » de 2018. Il a été suivi des courts métrages « Hannahs » et « If Found », respectivement en 2019 et 2021.


Le film « Good One » a été projeté au Festival du film de Sundance 2024 et à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2024 où il était éligible pour la Caméra d'or. Il a ensuite remporté le Grand Prix du Jury du meilleur long métrage indépendant américain au Festival du film des Champs-Élysées de la même année.


Sam (Lilly Collias), 17 ans, proche d’entrer à l’université, part avec son père Chris (James Le Gros) pour un week-end de 3 jours de randonnée dans la région des montagnes de Catskill de l’Etat de New York. Matt (Danny McCarthy), l’ami de toujours de son père, les accompagne.
C’est dans cette parenthèse enchantée, aux paysages paradisiaques et cette impression d’être hors du monde que Sam, fille docile et sage, prend conscience de la violence sexiste qui l’entoure.


« Good one » désigne d’ailleurs le personnage de Sam, la bonne fille, la gamine modèle, sans problème, qui ne fait pas de vague. Sam écoute la plupart du temps les conversations entre les deux hommes qui semblent très mal à l’aise avec le silence. La caméra guette alors les réactions de la jeune fille, zoome en gros plan sur les mimiques de son visage et capte savamment les regards qui traduisent le ressenti et l’émotion. Ses expressions, capturées de manière subtile, en disent long.
La jeune fille semble invisible aux yeux des deux hommes qui agissent comme si elle n’était pas présente.
On ressent pourtant chez elle la force tranquille. Sam ne dit rien mais n’en pense pas moins. Réservée, elle s’affirme tout en finesse au fil de l’escapade. Elle est très mature et dégage beaucoup de sagesse malgré son jeune âge. Elle semble d'ailleurs bien plus mûre que ses aînés.

Matt, l’ami de son père, lui dira d'ailleurs "Tu es trop jeune pour être aussi sage". Elle semble être une source d'apprentissage des leçons de vie et de mise en lumière du patriarcat ambiant.
Un épisode pour le moins troublant est quand Matt (qui a l’âge de son père) lui demande de venir lui tenir chaud dans la tente. Quand elle essaye d'en parler à son père, il ne tilte pas, lui répond simplement que « Matt n'aurait pas dû oublier son sac de couchage ». Elle lui rétorque alors "Ce n'était pas ça", ce à quoi son père agacé répond "Est-ce qu'on peut passer une bonne journée" ?


La compositrice, Celia Hollander, signe la musique du film avec quelques intermèdes musicaux à la harpe et des sonorités cristallines qui amènent détente et sentiment d’apaisement. Une ambiance de vie au ralenti, une connexion avec la nature, un appel au silence, parfois chargé et lourd de sens, un moment propice aux réflexions. L’ébullition, la révolte, la tempête, elles, se jouent de l’intérieur.


Il faut souligner la prestation de la jeune Lilly Collias (Sam) dans ce premier rôle, remarquable de justesse et de subtilité.


Ce « huis clos à ciel ouvert » est la chronique d’une misogynie ordinaire, une dénonciation tout en finesse et subtilité de la société patriarcale dans la sphère familiale et d’une fracture générationnelle. C’est le cheminement d’une jeune fille qui en prend la pleine conscience, toute l’ampleur et entre en résistance tout en pudeur et intelligence.


Malheureusement, la misogynie ordinaire, qui marginalise ou infériorise les femmes, se traduit dans les situations de vie quotidienne, familiale, professionnelle, souvent de façon insidieuse, par des mots, des gestes, des comportements, des actes, qui en apparence semblent anodins et ne sont pas (encore) perçus ou reconnus par toustes. Elle continue donc d’exister dans une forme de normalité, en toute impunité et sans remise en question. Pour cette raison, je classerais cette critique dans la rubrique « Plus jamais ça ».



C.P.