Six jours, ce printemps-là de Joachim Lafosse (2025)

Joachim Lafosse est un réalisateur et scénariste belge né à Uccle en 1975. Je ne vais pas m’appesantir davantage sur sa biographie puisqu’il fait actuellement l’objet de douze accusations distinctes de la part de ses collègues féminines. Comme tant d’autres avant lui, il nie toutes ces accusations.


« Six jours, ce printemps-là »est son 11èmelong métrage. Il a remporté le « Prix de la meilleure réalisation » et le « Prix du meilleur scénario » au 73èmeFestival de San Sebastian.


Sana (Eye Haïdara) élève ses deux fils (Leonis et Teodor Pinero) en enchaînant les petits boulots, elle n’arrête pas pour arriver à joindre les deux bouts.


Ce sont les vacances de printemps ! Jules (Jules Waringo), son nouvel amoureux et ancien entraîneur de foot des enfants les invite à le rejoindre. Ils arrivent mais l’appartement prévu n’est plus disponible. Après avoir beaucoup hésité, Sana accepte, à contre-cœur, la proposition des garçons qui veulent se rendre dans la résidence secondaire de leurs grands-parents paternels, sur la côte d’Azur. Pour eux, c’est normal, ils sont chez eux, ils y ont passé de nombreuses vacances en famille.


Mais leur mère n’a plus le droit d’y aller, même si elle a gardé les clefs. Elle n’est plus la bienvenue depuis son divorce. Va alors débuter une semaine en cachette, sous tension. Pour qu’iels passent inaperçu.e.s, pas d’électricité, pas d’eau courante, pas de sorties à la plage où on pourrait les reconnaître,… Les tentures restent fermées. Mais c’est difficile pour des enfants de 10 ans, pleins de fougue, de se terrer, sans bruits. Les faux pas vont se multiplier.


A chaque instant, Sana se remémore le sentiment d’illégitimité qu’elle ressentait durant son mariage. Même si elle croyait être acceptée, elle n’a jamais eu l’impression de faire partie de ce monde qui n’était pas le sien (pas assez riche, pas assez blanche). Sitôt divorcée, elle a été rejetée. A présent, elle est une intruse.


Eye Haïdara trouve la juste mesure pour incarner son personnage. Un stress permanent perçu dans des gestes évités et des regards détournés. C’est un film intimiste et nostalgique, inspiré de ce qu’à vécu le réalisateur dans sa propre enfance. Avec son frère et sa mère, iels squattaient la luxueuse résidence secondaire des parents de son père.


C’est un film qui parle des assignations de classes, des privilèges. Peut-on s’en sortir lorsqu’on vient d’une classe sociale défavorisée ou n’est-ce qu’une parenthèse enchantée avant de renouer avec ses origines ? La mobilité sociale est-elle illusoire ? La condition sociale peut-elle donner ou non le droit à la beauté ?


Le film aborde également la condition des femmes et le déclassement social qu’elles peuvent subir après une séparation. Jobs moins bien rémunérés, boulot à mi-temps pour s’occuper des enfants, travail d’appoint pour compléter le salaire du conjoint,… les laissent démunies une fois seules. Sans parler des pensions alimentaires non payées, des gardes d’enfants à assumer. Pas étonnant que beaucoup de mamans solos vivent sous le seuil de pauvreté.


Les choses doivent évoluer pour qu’un jour, on puisse dire « Plus jamais ça ».


V.M.