Muganga - Celui qui soigne de Marie-Hélène Roux (2025)

“L’homme qui répare les femmes”. C’est par ce surnom que le docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la Paix, s’est fait connaître du grand public, donnant ainsi une visibilité essentielle à son travail malheureusement primordial : celui de soigner des dizaines de milliers de femmes victimes de violences sexuelles et de mutilations génitales en République Démocratique du Congo.
Une situation catastrophique parfaitement résumée par Denis Mukwege : “Le viol est devenu une arme de guerre parce qu’il est à la fois peu couteux et redoutablement efficace. Il ne coûte rien et détruit tout : les corps, les familles, la société et il installe la peur”.
Tout cela au nom d’une stratégie cynique d’exploitation des richesses, sous le silence complice des autorités congolaises.
Projet de longue haleine de la réalisatrice Marie-Hélène Roux, celle-ci a mis plus de 10 ans pour concrétiser son long métrage visant à illustrer les violences faites aux femmes mais aussi l’humanité de celles et ceux qui les soignent. “Il fallait que le monde sache, non seulement l’horreur, mais aussi l’espoir, la solidarité, la reconstruction pour reprendre les termes de la réalisatrice.
Par le passé, Marie-Hélène Roux avait déjà filmé l’Afrique, son continent de cœur. En effet, en 2015, elle proposa un moyen métrage “A court d’enfants”, un récit sur la difficile intégration d’un enfant réunionnais. Pour “Muganga - Celui qui soigne”, la réalisatrice fait le choix de se concentrer sur la rencontre entre le docteur Mukwege et son collègue belge le docteur Guy-Bernard Cadière. Ce dernier décidant de lui offrir une aide salutaire, bouleversé par le travail de Denis Mukwege au sein de son hôpital de Panzi.
Véritable lieu de résilience, l’hôpital offre, bien entendu, des soins médicaux mais aussi une prise en charge psychosociale afin de reconstruire des femmes traumatisées. Un aspect que la réalisatrice honore en présentant l’hôpital comme un lieu de sororité où les femmes s’entraident et deviennent les véritables actrices de leur propre reconstruction. Une manière pour elles d’entrevoir la lumière au bout du tunnel, de devenir de véritables survivantes et non des victimes.
En guise de fil rouge de son récit, Marie-Hélène Roux choisit de le structurer autour de Blanche, une jeune femme violée et mutilée qui parcourra, avec son bébé, un chemin de croix pour arriver enfin à Panzi. Blanche symbolise ainsi le vécu de toutes ces survivantes.
Évitant toute forme de sacralisation du docteur, la réalisatrice propose un portrait plus nuancé de celui-ci, en particulier sur sa vision de l’avortement, sujet tabou en République Démocratique du Congo. En effet, Denis Mukwege est opposé à toute forme d’avortement, un choix régi par sa foi en Dieu. Selon lui, un enfant né d’un viol peut être aimé, il représente une forme de lumière après la violence… Qu’en pensent les mères ?
Au final, un récit poignant et essentiel sur une réalité honteusement passée sous silence et pour reprendre les mots de Denis Mukwege : “J’ai reçu toutes les médailles. Ce qu’il faut maintenant, c’est que les choses changent. Je crois que ce film peut impulser le changement”.Le cinéma pour créer un espace d’écoute, de regard, de conscience pour que plus jamais, pareille atrocité ne se perpétue.
B.C.
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